Alimentation Couche-Tard: Ou l’audace de réussir

Les dépanneurs n’ont rien d’attrayant. L’exploitation est exigeante en termes de temps, les marges sont minimes et les barrières à l’entrée sont faibles. Dans ce sens, ils sont similaires aux restaurants.

Imaginez des hommes d’affaires vous proposant un modèle d’affaires hors norme: une société qui allait exploiter et/ou franchiser plusieurs dépanneurs… L’horreur!

Voici plusieurs concepts clés qui ont permis à Couche-Tard de devenir ce qu’ils sont aujourd’hui.

Utilisez votre connaissance de l’industrie

Alain Bouchard a commencé par s’occuper du dépanneur de son frère. Par la suite, il a travaillé de nombreuses années pour Perrette, un concept de dépanneur ayant sa laiterie, où, pendant plusieurs années, son rôle était d’ouvrir des dépanneurs.

Son rôle était l’achat et l’ouverture de dépanneurs. Alain Bouchard avait l’avantage que peu de gens s’intéressaient aux dépanneurs et peu de gens avaient l’expérience qu’il avait.

C’est une activité assez peu excitante, mais Alain Bouchard aimait ça. J’ai l’impression que le fait que l’industrie ne soit pas sexy alors qu’il était un passionné a été un grand facteur de succès.

Entourez-vous

Malgré qu’Alain Bouchard soit la figure la plus connue, possédant le plus d’actions du groupe, il s’est très rapidement associé pour former une équipe de 4 personnes :

  • Alain Bouchard, ouverture et acquisition de magasins
  • Jacques D’Amours, chef des ressources humaines
  • Richard Fortin, chef des finances
  • Réal Plourde, chef des opérations

Chacun possède son expertise. On ne peut pas tout réaliser seul.

Faites confiance à votre raisonnement

Cela a pris du temps aux associés d’Alimentation Couche-Tard pour gagner leur crédibilité à cause de leur leur industrie et leur milieu social. Une société de dépanneurs gérée par des Québécois francophones parlant terriblement mal anglais. On imagine les visages amusés des banquiers de Toronto lorsque ceux-ci présentaient leur modèle d’affaires.

Si vous avez une connaissance pointue de l’industrie, vos interlocuteurs pourraient manquer des points qui sont cruciaux. Cela ne devrait pas vous empêcher d’avancer si vous pensez avoir raison.

Les idées doivent venir du terrain

Le groupe était définitivement davantage préoccupé par ce qui se passait sur le terrain que leurs concurrents. Par exemple, ils prenaient le temps d’aller visiter régulièrement leurs dépanneurs… ou ceux des concurrents.

Malgré leur succès, ils tentent de garder la même approche. Ils n’ont pas peur d’appliquer des recettes gagnantes d’une chaîne de 20 dépanneurs acquis. L’égo doit faire place aux résultats et à ce que l’on voit sur le terrain. L’objectif est simple: le client est la priorité.

« Think big »

Alors qu’ils n’avaient qu’une dizaine de dépanneurs, Alain Bouchard se voyait déjà être le plus gros détenteur de dépanneurs au Québec. Une pensée qui peut sembler absurde alors que l’on est aussi petit.

Puis fut le tour du Canada, de l’Amérique du Nord, puis du monde. Le fait de penser grand a conduit à de petits ajustements qui ont été cruciaux pour l’expansion rapide de la société, dont une structure corporative décentralisée qui se concentre sur les dépanneurs et non pas sur un siège social (mot proscrit chez Couche-Tard, ceux-ci sont appelés des centres de service) déconnecté et contrôlant.

L’impopularité des dépanneurs profite à Alimentation Couche-Tard

Au début des années 70, les dépanneurs étaient populaires à cause d’une restriction des épiceries ne pouvant pas ouvrir tard le soir ou bien le dimanche alors que les dépanneurs n’avaient pas cette restriction. Un avantage concurrentiel évident. Énormément de magasins se sont ouverts. Malgré cet avantage compétitif, cela n’a pas été la période la plus prospère de Couche-Tard. Selon moi, la raison est qu’il était évident qu’il s’agissait d’un avantage concurrentiel. Résultat: la compétition était féroce. À un moment, cet avantage a disparu. vers les années 90, les épiciers ont commencé à pouvoir vendre de l’alcool et à rester ouverts plus tard le soir. De plus, le gouvernement du Québec a augmenté de 138% la taxe sur les cigarettes, faisant grimper énormément l’engouement pour le marché noir. On peut rajouter à cela une récession économique au début des années 90. Bref, l’industrie des dépanneurs est passé par une période de turbulence.

Au Québec, l’entreprise a commencé à prendre de l’expansion rapidement alors que tout le monde ne voulait plus de ces dépanneurs. Dans certains cas, ils les ramassaient alors qu’ils étaient sur le point de faire faillite dû aux conditions difficiles du marché des dépanneurs.

À partir de l’automne 1998, l’expansion a pu se poursuivre à l’extérieur du Québec alors que beaucoup de sociétés n’en voulaient plus. Les vendeurs affichaient clairement leur jeu en disant qu’ils n’aimaient pas l’industrie! En d’autres mots, ils étaient prêts à s’en débarrasser à des prix favorables.

Revue du livre

Je n’ai pas été déçu, c’est le moins qu’on puisse dire. J’avais certaines attentes et j’ai été conquis. Je crois que j’ai été surpris par certains aspects.

Alain Bouchard est un Québécois francophone qui venait d’un milieu modeste de Chicoutimi. Le cri du coeur pour les entrepreneurs du Québec est assurément quelque chose que l’on ne retrouvera pas dans d’autres livres. Du moins, pas en prenant en compte d’où il venait, où il s’est rendu et comment le tout est formulé.

Je pense que cela m’est venu chercher parce que je me suis reconnu dans certains aspect, surtout l’aspect touchant l’anglais. Comme m’a déjà dit un ancien collègue francophone: « C’est plus facile de paraître intelligent en français qu’en anglais. » La langue peut être une barrière importante. Dans le cas d’Alain Bouchard, il a tout de même osé acheter des chaînes à l’extérieur du Québec même s’il avait de la difficulté à maintenir une discussion en anglais!

Un autre passage marquant a été lorsqu’il est décrit que, pour progresser dans le cadre de votre travail, vous devez « prendre des décisions au-dessus de votre tête ». Ultimement, Alain Bouchard a démissionné, car on a refusé de l’écouter. Plusieurs années plus tard, il achetait Perrette, la société de dépanneurs pour laquelle il avait travaillé!

Assurément, Alain Bouchard a certaines positions un peu plus polarisantes. Par exemple, il s’est fait renvoyer par Provi-soir, son dernier emploi avant de se lancer en affaires, car il avait acheté de l’inventaire chez des concurrents plutôt que s’approvisionner chez son franchiseur. Il est sortie à plusieurs fois dans les médias pour dénoncer des interventions gouvernementales, ce qui peut se comprendre alors qu’il a vu, au cours des années, plusieurs décisions qui ont nui à ses dépanneurs. L’instauration de nouvelles taxes qui ont nécessité l’ajustement des systèmes informatiques, le gonflement des taxes du tabac à des niveaux absurdes qui ont fait basculer les ventes vers le marché noir. Pour la taxe sur le tabac, je me souviens qu’il s’agit d’un cas que l’on avait discuté dans mes cours d’économie lors de mon BAC.

Plus récemment, en 2019, il désirait que Couche-Tard vende du cannabis. En 2021, Couche-Tard a ajouté des guichets de bitcoin à certaines localisations. Le but de ces nouveaux produits/services est évident: augmenter l’achalandage. Il s’agit du cœur de la valorisation des magasins. Plus d’achalandage, plus d’achats en magasin. Bref, les méthodes et les produits offerts pour attirer la clientèle peuvent clairement être controversés.

Par contre, il est assez cohérent dans ses positions. Si cela avantage ses magasins, il est pour et si cela les désavantage, il est contre 😉

Le journal d’un investisseur

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