Après son premier livre à succès « En as-tu vraiment besoin? », Pierre-Yves McSween, le porte-étendard québécois des finances personnelles, revient à la charge avec Liberté 45 qui se veut un plan pour l’atteinte de cet objectif: être indépendant à 45 ans.
Si on résume très grossièrement, on explique pendant 5 chapitres pourquoi on doit avoir un plan, on donne des exemples de plan pendant 2 chapitres, on te met au visage les incohérences fiscales pendant 5 chapitres que tu dois utiliser et le reste touche à des éléments connexes (placements, arbitrage géographique, son parcours, vie amoureuse etc.)
Les portions fiscalités ont été les points forts du livre pour moi. J’ai bien aimé les chapitres sur les incohérences fiscales. Je ne peux pas dire que j’ai nécessairement appris, mais c’est toujours amusant de se les faire présenter. J’ai toujours le stéréotype de la petite famille qui dit: « nous avons des enfants, on ne peut pas épargner. » Tiens, lis ça! Ça ne peut pas être plus clair que ça. J’avais quand même des attentes à ce que Pierre-Yves parle de fiscalité. J’aurais été vraiment déçu sinon! Je ne peux pas dire que j’ai appris quelque chose sur la fiscalité des entreprises, mais c’est toujours agréable de se le faire rappeler et expliquer.
La portion placement était assez générale, mais ça ne m’a pas du tout dérangé. Ce n’est pas sa spécialisation et ce n’est pas à quoi je m’attendais de lui non plus. Un chapitre lui est exclusivement dédié, mais on l’aborde assez régulièrement aux travers des chapitres. Si on veut générer ce fameux rendement composé, on n’a pas le choix d’aborder le sujet!
UN GROS BÉMOL
Un point que j’ai moins aimé du livre liberté 45 est le ton dans le début du livre (environ les 4-5 premiers chapitres). On aborde un ton moralisateur. Je trouve qu’on donne l’impression que si tu n’épargnes pas 20-30-40% de ton revenu (qui ce doit d’être décent en passant) de 20 à 35 ans, ta vie est finie. Je ne me sens pas du tout concerné, mais je pensais simplement à mes collègues universitaires qui ont pris des chemins différents et qui ont terminé leur maîtrise à environ 30 ans. Désolé pour vous, vous ne saviez peut-être pas, mais vous avez raté votre vie selon liberté 45. Je n’imagine pas le choc que ça doit faire quand on a 40-50 ans, qu’on veut se reprendre en main et que le premier truc qu’on lit c’est ça. Peut-être que ce n’est pas le public cible d’où le titre liberté 45 qui se veut « un filtre » des potentiels lecteurs. Peut-être. On ne se cachera pas que c’est plus facile si on commence à épargner tôt. Personne n’a dit le contraire. Cela reste un constat bien dur à mon humble avis.
Le livre pourrait sonner pour certains comme: « soyez en prison pendant 25 ans et libérez-vous pour les 40 années restantes. » Cela me fait penser à une histoire de Mohnish Pabrai, un investisseur indo-américain. Cela va bien montrer ce que j’essaye d’expliquer.
IL ÉTAIT UNE FOIS…
Un banquier d’affaires n’en peut plus de son mode de vie à 80-100h semaine. Il décide d’aller en vacance sur une plage au Mexique pendant une semaine pour se reposer. Arrivé sur la plage, il remarque un Mexicain couché dans un hamac. L’individu a toujours la même routine. Il se lève le matin, va pêcher 2 poissons puis retourne dans son hamac. Le midi, il cuit un poisson et fait cuire l’autre poisson pour son souper en fin de journée. Il répète la même routine pendant 3 jours. Après 3 jours, le banquier d’affaires (BA) n’en peut plus. Il va voir le pêcheur (P) et lui demande:
BA: Pourrais-tu pêcher plus que 2 poissons à la fois?
P: Bien sûr, mais pourquoi? Je n’ai besoin que 2 poissons.
BA: Tu pourrais pêcher plusieurs poissons pour que le lendemain tu n’ais pas à y retourner.
P: Et ensuite?
BA: Et ensuite, tu pourrais vendre ton surplus de poisson au marché.
P: Et ensuite?
BA: Et ensuite, tu pourrais engager des gens pour qu’ils pêchent à ta place et vendent les poissons sur le marché.
P: Et ensuite?
BA: Et ensuite, tu pourrais faire de l’intégration verticale et produire des cannes à pêches pour améliorer tes marges.
P: Et ensuite?
BA: Et ensuite, Je pourrais amener ta compagnie en bourse pour faire de toi un homme riche.
P: Et ensuite?
BA: Et ensuite, tu pourras venir te reposer dans ton hamac toute la journée.
Le banquier d’affaires a des idées de grandeurs, mais le pêcheur ne veut que passer sa journée dans son hamac. Qu’est-ce que la liberté? « Possibilité, pouvoir d’agir sans contrainte ; autonomie. » Le pêcheur est déjà libre parce que même s’il serait riche, c’est ce qu’il ferait. Pourquoi tout bouleverser, perdre son temps pour quelque chose qu’il ne veut pas, pour finalement, retomber au même endroit, mais 20-25 ans plus tard? Gabrielle Bouchard qui a été présentée dans le livre n’a définitivement pas 1 million dans son compte en banque. Elle a un rythme de vie très modeste et peu d’épargne. Pourtant, elle est présentée comme un succès (et s’en est un). Pourquoi ce qui s’applique à Gabrielle est différent pour le lecteur? Je me pose la question.
Pierre-Yves fais des références comptables alors je me permet une référence économique. En économique, on dirait que la courbe d’utilité est différente pour chacun. Chacun a ses préférences temporelles. Certains ont une préférence pour avoir plus, plus tard et d’autres préfèrent moins, mais aujourd’hui. Si on ne souhaite pas ralentir à 45 ans, pourquoi tenter d’avoir 1 million (chiffre fictif) à cet âge? C’est peut-être moins efficace fiscalement parlant, mais c’est peut-être cette stratégie qui maximise l’utilité (le bonheur).
J’aurais apprécié la nuance de la conclusion beaucoup plus tôt dans le livre plutôt que de se faire marteler qu’on a potentiellement raté sa vie avant même de l’avoir réellement commencé. Je suis quelqu’un qui aime la nuance. Les murs de mon ancienne chambre chez mes parents sont gris. C’est maintenant la couleur de mon bureau. J’aime la couleur sur un mur… mais encore plus dans les idées ou les plans.
APPRÉCIATION GLOBALE
Même si le résumé concernant le livre retraite à 40 ans ne sortira que dans les prochaines semaines, je vais brûler le punch tout de suite, j’ai mieux aimé liberté 45 que la retraite à 40 ans. Eh oui, passer la majorité de l’article à critiquer pour finalement dire que je l’ai plus aimé. On taquine ceux qu’on aime le plus, c’est connu. Je me garde l’explication pour l’article sur la retraite à 40 ans 😉 La retraite à 40 ans a aussi de beaux arguments. Pierre-Yves a quand même le tour pour expliquer certains aspects avec efficacité. La table des dollars, on s’entend que c’est simplement une table de rendement composé inversé. My god que c’est efficace pour faire passer le message. J’ai aimé aussi qu’il aborde son parcours comme je ne le connaissais pas trop. Les exemples chiffrés sont de bels ajouts qui a fait plaisir à mon côté analytique.
À QUI JE LE RECOMMANDE?
Le livre est grand public. Il y a plusieurs parenthèses dans le texte pour supporter les lecteurs avec peu d’expérience avec le sujet. Il y a quand même des points que vous allez vous gratter la tête particulièrement avec les références de comptable que parfois je devais relire 2 fois ou les références des années 1980 si vous êtes un plus jeune comme moi. J’ai eu mal à ma culture générale! Si vous êtes âgés, ce qui veut dire potentiellement plus vieux que 30-35 selon le livre, je vous conseille tout de même de prendre les premiers chapitres avec un grain de sel pour éviter de vouloir le lancer sur le mur. Il ne faudrait pas que le bleu pétant du livre déteigne sur vos beaux murs (gris).
Le journal d’un investisseur
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