J’avais fait une introduction aux obligations dans cet article. Si vous êtes moins à l’aise avec les obligations, je vous invite à commencer par celui-ci.
Les actions ordinaires sont des produits assez normalisés. On comprend instinctivement la différence entre une action ordinaire de 2 compagnies différentes. Pour les produits obligataires, on mélange divers éléments comme l’entité qui émet la dette, le type de dette, la façon de distribuer les intérêts et j’en passe. On peut s’y perdre aisément et il est probablement courant de tenter de viser le plus haut rendement obligataire (yield-to-maturity/YTM) sans réellement comprendre ce que l’on met dans son portefeuille. Une définition des grandes catégories s’impose.
LES GRANDES CATÉGORIES D’ÉMETTEURS
Avant de vouloir prêter notre argent, on doit comprendre à qui on le prête.
Un palier de gouvernement: Une entité gouvernementale comme un pays, une province, un état ou une municipalité émet sur les marchés des obligations pour se financer. Elles sont la catégorie la moins risquée, car on juge que le risque de défaut est près de 0, du moins pour les pays développés…on salut la Russie. Il est peu probable pour des pays développés que vous ne receviez pas les sommes dues. On va trouver des fonds qui investissent dans ces émetteurs sous le terme « obligations gouvernementales » (governement bonds, treasury bonds (T-bonds) ou treasury bills (T-Bill)).
Entité gouvernementale: Au Québec, on peut parler d’Hydro-Québec, la caisse de dépôt du Québec ou la société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Ces entités sont techniquement indépendantes du gouvernement, mais restent assez près pour que leur note de crédit soit excellente. Ces entités sont naturellement solides et le marché considère que le gouvernement ne laisserait pas ces entités faire faillite dans des situations extrêmes. On investit rarement que dans ces émetteurs, mais on peut facilement les retrouver dans un paquet de produits obligataires comme ils ont une bonne cote de crédit. Ces émetteurs sont fréquemment réunis dans la catégorie des obligations gouvernementales.
Compagnies: Les compagnies peuvent se financer auprès des institutions financières, mais elles peuvent aussi le faire dans le marché obligataire en émettant de la dette. Les fonds identifient ces émetteurs sous le terme de « obligations corporatives » (corporate bonds) avec la mention « bonne qualité » (investment grade) ou « haut rendement » (high yield) dépendamment de la cote de crédit de l’émetteur. Les obligations corporatives de bonne qualité sont moins susceptibles aux chocs économiques que celles de moins bonne qualité. Elles rapportent un rendement plus faible, mais plus stable. Les obligations corporatives tendent à avoir une corrélation plus faible avec les taux d’intérêt, particulièrement les obligations à haut rendement. La logique est que si les taux montent, l’économie est jugée solide par la banque centrale ce qui veut dire moins de défaut. Ainsi, les obligations à haut rendement tendent à chuter moins lors des hausses de taux comparativement aux obligations gouvernementales, mais à chuter davantage que les obligations gouvernementales lors des crises économiques, car le risque de défaut est plus élevé durant ces périodes.
Entité spéciale (special purpose entity): Une entité spéciale est souvent signe qu’on fait affaire à un produit structuré. Une entité spéciale, c’est une coquille qui a un lien de parenté avec une autre entité mais qui est légalement indépendante de son parent. Par exemple, la SCHL (entité parent) pourrait avoir des entités spéciales pour permettre aux investisseurs d’investir dans des titres adossés à des créances hypothécaires (mortgage backed securities/MBS). La raison d’utiliser une entité spéciale est pour éviter que la SCHL emporte les MBS sous une potentielle faillite. Ainsi, la SCHL pourrait couler, mais les investisseurs pourraient tout de même récupérer leurs avoirs…en théorie parce que si la SCHL fait faillite, ça n’augure pas bien! Bref, c’est purement pour protéger les investisseurs. Une caractéristique importante des titres adossés à des créances hypothécaires est qu’ils procurent un rendement obligataire plus élevé que des obligations conventionnelles, mais ils sont davantage sensibles à la variation des taux d’intérêt. Alors qu’une baisse des taux d’intérêt est bonne pour les obligations, le rendement ne sera pas aussi bon pour ces produits dans ce contexte. Similairement, ils vont subir des pertes plus importantes lors d’une hausse des taux d’intérêt que les produits conventionnels.
LE TAUX D’INTÉRÊT
En plus du type d’émetteurs, on a quelques éléments à regarder pour identifier la catégorie de l’obligation comme le taux d’intérêt.
En général, les obligations utilisent un taux d’intérêt fixe. Cela implique qu’on prête un montant x, on recevra un montant y périodique et on nous redonnera notre montant x à l’échéance.
Par contre, elles peuvent très bien utilisées un taux d’intérêt variable. On prête un montant x, on recevra un montant y dépendant du taux d’intérêt en vigueur lors du versement des intérêts et on nous redonneras notre montant x.
Dans le cas d’une obligations gouvernementales, on pourrait avoir affaire à des obligations protégés de l’inflation (treasury inflation-protected securities / TIPS). On prête un montant x, on recevra un montant y ajusté à l’inflation et on nous redonneras un montant x ajusté pour l’inflation.
LES STRATÉGIES OBLIGATAIRES
La stratégie n’est pas forcément identifiée, mais certains gestionnaires pourraient utiliser des stratégies clairement définies. En voici des exemples.
La stratégie échelonnée (laddered) utilise des obligations sur plusieurs échéances. Par exemple, on pourrait avoir une stratégie échelonnée 0-5 ans. Le fonds achète des obligations pour avoir des obligations à toutes les périodes entre 0 et 5 ans. Quand une obligations arrive à échéance, on réinvestit dans des obligations 5 ans (ou ailleurs à la discrétion du gestionnaire). De cette façon, on a un roulement naturel des obligations. Cette stratégie donne un rendement plus stable, car on diminue le risque de réinvestissement. En général, comme la maturité l’échéance est relativement faible (0 à 5 ans ici), le rendement obligataire va avoir tendance à être plus faible. Plus l’échéance est éloignée, plus l’investisseur peut s’attendre à recevoir une prime de risque pour le compenser pour ce plus grand risque.
La stratégie haltère (barbell) investit des obligations dans 2 extrémités de la courbe d’échéance. Par exemple, 2, 3 et 4 ans et 8, 9 et 10 ans. Cette stratégie tend à avoir un rendement obligataire plus faible qu’une stratégie bullet (qu’on va voir tout de suite après), mais performera mieux lors de changement de taux d’intérêt. La stratégie enregistra davantage de gains lors des chutes des taux et moins de perte lors de la hausse des taux.
La stratégie bullet (j’ai aucune idée du terme français, si vous le connaissez, vous pouvez l’écrire en commentaire 😉 ) est investie dans peu d’échéances. Par exemple, on pourrait avoir un fonds qui investit que dans des obligations 5-6-7 ans. Cette stratégie tant à avoir un rendement obligataire plus élevé que la stratégie haltère, mais elle est très susceptible aux changement des taux d’intérêt des quelques années investis.
La stratégie à date cible (target maturity date) permet de sélectionner un fonds (ou une obligation) qui vient à échéance en même temps que notre objectif financier. Par exemple, si je désire acheter une maison en 2025, je pourrais acheter un fond à date cible 2025 ou de façon équivalente je pourrais acheter une obligation qui vient à échéance en 2025. Le gros avantage est qu’on se protège adéquatement contre la variation des taux d’intérêt pour geler approximativement le rendement obligataire au moment de l’achat.
Conclusion
Comme on l’a vu, le monde obligataire est varié et il est facile de s’y perdre. Un monde pas facile à apprivoiser sachant que la quantité d’information sur le sujet est beaucoup plus restreinte.
Maintenant que j’ai parlé des bases pendant 2 articles, dans de prochains articles, on pourra s’attaquer à des exemples de portefeuille obligataires et comment les sélectionner.
Le journal d’un investisseur
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