Le retour vers la moyenne: une réalité incontournable

Sur les marchés financiers, il est courant d’entendre dire que les performances passées ne garantissent en rien les performances futures. En effet, de nombreux papiers scientifiques montrent que les fonds mutuels qui surperforment sur une certaine période (3-5-10 ans) ont tendance à sous-performer par la suite. Cette observation est connue sous le nom de « retour vers la moyenne » et elle suscite parfois l’étonnement voire l’incompréhension des investisseurs.

Reversion to the mean is the iron rule of the financial markets

John C. Bogle

À mon avis, l’une des raisons de ce phénomène est que les investisseurs ont souvent tendance à se concentrer uniquement sur les performances passées, en espérant qu’elles se répètent à l’avenir. Par contre, lorsque le prix d’un titre explose, son rendement futur lui diminue, toute chose égale par ailleurs. Bien entendu, comme le marché évalue le futur, de nouvelles informations peuvent avoir un impact tangible sur les résultats d’une entreprise. Par exemple, si le gouvernement décide d’injecter de l’argent dans le secteur d’activité de l’entreprise. Il est très normal dans cette situation de voir les titres du secteur monter sans qu’en théorie cela diminue l’espérance futur de rendement, car l’information améliore les fondamentaux de ces entreprises. Par contre, il faut toujours comprendre que si le gain de la journée dépasse le vrai gain économique qui sera réalisé, l’espérance de rendement diminue malgré que l’information soit positive. Les vrais gagnants sont ceux qui étaient investis avant que la nouvelle soit dévoilée.

Le momentum pour les investisseurs à court terme et la valorisation pour les investisseurs à long terme

Il est important de comprendre que la valorisation d’un titre n’a généralement aucun impact à court terme sur ses performances. Comme j’aime le dire, à court terme, tout peut arriver et nous avons bien eu la preuve avec les GME et AMC de ce monde. Si un groupe de gens décident d’investir massivement dans un titre ou un secteur, le marché ne peut pas contenir cette vague et doit laisser déraillé le prix à des niveaux absurdes. Ce qui prévaut à court terme, c’est le momentum, c’est-à-dire la tendance actuelle du marché et l’évolution du prix du titre. Si un titre connaît une forte hausse de prix, les investisseurs ont souvent tendance à vouloir y participer, espérant profiter de cette dynamique positive. Cependant, cette tendance peut s’essouffler à un moment donné, et le titre peut alors commencer à sous-performer ou à corriger.

À long terme, disons 10 ans, la valorisation d’un titre finit par avoir un impact sur le rendement réalisé par les investisseurs. Si un titre est surévalué par rapport à ses fondamentaux, tels que les flux d’opération ou les bénéfices, il est probable qu’une correction à la baisse se produise à un moment donné. Même si une entreprise connaît une croissance importante de ses flux d’opération au cours des prochaines années, si sa valorisation est trop élevée, les détenteurs de titres peuvent ne pas réaliser de rendement significatif sur leur investissement sur un horizon donné.

NVIDIA, l’exemple du moment

Prenons l’exemple de NVIDIA, une entreprise réputée pour son excellence technologique et ses performances remarquables sur le marché des semi-conducteurs. Supposons que les flux d’opération de NVIDIA s’élèvent à environ 10 milliards de dollars. Si le marché valorise l’entreprise à 100 fois ces flux d’opération (1 trillion), même en supposant une multiplication par 10 de ses cashflows au cours des 10 prochaines années, les détenteurs de titres pourraient ne pas réaliser de rendement significatif si la valorisation corrige pour retourner à un multiple de 10 fois. Cela ne remet pas en question les qualités intrinsèques de NVIDIA en tant qu’entreprise extraordinaire, mais une compagnie extraordinaire n’est pas toujours le meilleur investissement. Est-ce possible de faire de l’argent avec ce genre d’entreprise? Assurément. Le problème à mon avis est qu’une poignée de ces compagnies seront effectivement un investissement rentable alors qu’une énorme quantité de compagnies avec ce genre d’évaluation résultera en des pertes importantes.

Il est possible d’avoir la mentalité d’un venture capitalist, ceux qui investissent dans des start-up. Vous êtes conscients que vous allez réaliser des pertes sur 9 des 10 investissements que vous ferrez et faire un coup de circuit sur une entreprise qui renflouera vos coffres. Personnellement, je préfère la mentalité inverse. Je tente de limiter le plus possible mes pertes. Au final, les deux peuvent cohabiter, il faut simplement être à l’aise avec notre style d’investissement. Les personnes qui investissent dans des compagnies avec des évaluations énormes connaîtront forcément beaucoup plus de volatilité que quelqu’un investissant dans des compagnies ennuyantes et stables.

Dans un univers parallèle

Si le marché connaissait le futur, il pourrait ajuster les prix pour que tous les rendements soient égaux. Comme il connaîtrait le futur, il n’y aurait aucune risque d’investir dans les actions. Dans ce monde, la composition de votre portefeuille n’a aucune importance, car chaque titre procurerait le même rendement, soit probablement équivalent à un taux d’intérêt sans risque comme les bons du trésor.

Dans notre réalité, la bourse estime le futur, mais a forcément tort la majorité du temps. Il est impossible de prévoir ce qui se passera dans 10 à 20 ans avec une certitude élevée. Pour réussir à battre le marché à long terme, il suffit d’acheter systématiquement des actifs moins cher que ce que le marché estime qu’ils vont réellement produire. L’explication est simple, l’exécution est une autre paire de manches.

Le journal d’un investisseur

2 commentaires sur “Le retour vers la moyenne: une réalité incontournable

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  1. Intéressant comme point de vue. C’est vrai qu’il est impossible de prévoir. Ca me fais bien rigoler quand je lis tout ces gens/gestionnaires bardés de diplômes, d’expérience et de sagesse qui nous font des prédictions sur ce que seront les marchés dans X mois/années.
    Ahhhh, nvidia. Dire que j’en ai acheté à moins de 5$ dans le temps et que j’ai tout revendu parce que le titre faisait du sur-place. Vite faite de même, mes 1000 actions (5000$) vaudrait 389000$ aujourd’hui. Avoir su….:-)

    1. C’est toujours plus facile quand on sait le futur!

      Dans le même type d’histoire, en 2019, j’avais analysé une petite capitalisation qui finalement ne m’avait pas intéressé pour plusieurs raisons. Pendant la folie de la COVID, le titre a été multiplié par 25 entre fin 2019 et 2021…. avant de descendre à environ 1.8x le prix de fin 2019.

      La réalité est aussi que je n’aurais jamais garder ce titre jusqu’au sommet même si je l’avais eu en portefeuille 🙂

      Savoir acheter les bonnes compagnies est difficile et savoir les garder est tout autant difficile!

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