Retour sur mes 10 ans comme investisseur et les leçons apprises

Le parcours d’un investisseur est jalonné d’embûches, parfois même de celles que l’on se crée soi-même. Les erreurs sont inévitables. Apprendre de ses propres erreurs, ou encore mieux de celles des autres, c’est ce qui transforme un investisseur ordinaire en grand investisseur.

Pour y parvenir, il faut revisiter ses décisions encore et encore afin de comprendre ce qui a mal tourné. Certaines erreurs livrent rapidement leurs enseignements, tandis que d’autres demandent plus de temps avant d’être pleinement assimilées.

Pour cette raison, j’ai eu envie de revisiter mes 10 ans en tant qu’investisseur et ce que je peux en apprendre aujourd’hui. Du même coup, peut-être que vous pourrez profiter de mes erreurs pour vous-mêmes les éviter.

2016 – La simplicité indicielle

Mes premiers pas en investissement ont été faits avec des fonds mutuels Tangerine avec des frais de gestion d’environ 1%. À l’époque, les fonds tout-en-un n’existaient pas encore. Ces fonds Tangerine représentaient donc une façon simple et relativement efficace d’investir à l’échelle mondiale, sans me casser la tête. La majorité de la somme a été investie en avril.

J’ai eu un peu de difficulté à investir dans le fonds 100% actions. J’ai dû appeler pour comprendre pourquoi on m’empêchait d’y accéder, en me limitant plutôt à une allocation de 80% actions et 20% obligations. On m’a alors expliqué que c’était lié à mon profil d’investisseur jugé pas assez risqué. Pardon? Pourtant, mon horizon de placement était très long et ma tolérance au risque très élevée. J’ai finalement découvert qu’il fallait répondre au maximum à TOUTES les questions du questionnaire pour obtenir l’option 100% actions. Il suffisait qu’une ou deux réponses ne soient pas à ce niveau pour que ce choix soit automatiquement bloqué.

J’ai investi dans un compte non enregistré alors que j’aurais dû investir dans un CÉLI. Ce fut ma première erreur d’investisseur, et certainement pas la dernière. J’ai dû liquider pour réinvestir dans un CÉLI. À la fin de l’année, ma mère trouvait bien drôle que moi, un étudiant, je doive déclarer un gain en capital.

J’étais à ce moment à ma 2e année au baccalauréat en économique. Ce que je savais des finances personnelles, je ne l’avais pas appris dans mes cours, mais plutôt par moi-même.

2017 – Ma première action individuelle

Cette année-là, j’ai acheté ma première action individuelle : Activision Blizzard (ATVI), un éditeur de jeux vidéo à 40$ (après frais de conversion et frais de transaction) en janvier 2017. Un très bon point d’entrée. Le titre venait de reculer d’un bon 20%.

  • C’est une première sur le blogue de mentionner une action que j’aie détenu. La raison est simple, la compagnie a été acquise par Microsoft le 13 octobre 2023 à 95$. Aucun risque que quelqu’un tente d’investir dedans.
  • Mes notions de finance étaient encore de base. J’ai acheté ATVI dans un compte en CAD, ce qui signifiait que mes dividendes étaient convertis automatiquement en CAD, avec des frais de change cachés prélevés par l’institution. Si je désirais vendre le titre, j’aurais payé à nouveau des frais de conversion. J’ai fini par transférer mes actions dans un compte en USD un peu plus tard.

Même si je manquais encore d’expérience, cet achat reposait déjà sur une logique solide :

« Know what you own »

Peter Lynch

Malheureusement, je ne savais pas encore à ce moment que je devais me limiter qu’à ce genre de compagnie.

ATVI frappe les 92$ à la fin de 2017, un rendement de 130% en 1 an.

2018 – Le début d’un petit portefeuille d’actions

À l’époque, mon portefeuille était majoritairement indiciel avec ATVI. Je vais continuer dans cette direction, mais avec des compagnies assez différente. Je m’égarais un peu :

  • Une croissance (ATVI)
  • Une deep value avec une qualité un peu douteuse (voire toxique)
  • Une qualité et faible volatilité

ATVI plonge de 60% pour revenir à 38$ suite à la perte de 2-3 milliards de revenu de la franchise Destiny (du studio Bungie, les créateurs du jeu Halo) . Un jeu que je possède et que je juge « non-core »…c’est-à-dire que je ne pense pas que le jeu va marquer les esprits malgré les gros revenus. Je garde le titre. Première leçon apprise: savoir ce que l’on possède est doublement important en période de crise.

J’apprends davantage au sujet de Canadian Couch Potato et Canadian Portoflio Manager, deux blogeurs qui parlent de l’investissement indicielle via les FNB.

Pendant l’été 2018, j’entends pour la première fois le nom de Wealthsimple et leur robot-conseiller. Je me dis que c’est le futur de l’investissement.

Je vais passer le CFA niveau 1 durant cette année alors que je termine mon baccalauréat en économique.

2019 – Les premiers pas vers les FNB

Après avoir procrastiné un peu, je transfère finalement mes fonds mutuels indiciels à 1% de frais gestion de chez Tangerine à des FNB avec environ 0.10%-0.20% de frais de gestion. Même si je dois payer un coût de transfert, je me dis que cela vaudra la peine sur plusieurs années. Le plus tôt, le mieux.

En début d’année, Vanguard lance leur ligne de FNBs VEQT, VGRO, VBAL et VCNS, soit des portefeuilles tout-en-un qui se rebalancent par eux-même et offrent une gamme d’allocation entre l’équité et la croissance. Le frais de gestion de 0.25% est extrêmement compétitif. Ils seront rapidement suivis par Ishares en Août. Je me dis que ces produits viennent de tuer le robot-conseiller de Wealthsimple. Cela n’a jamais été aussi facile d’investir de façon passive, avec des frais compétitifs et avec grande simplicité.

Niveau placement, je vagabonde un peu, je suis surtout extrêmement occupé. Je suis en statu-quo de ce côté.

Je finalise ma maîtrise accéléré en finance, mon essai, mon CFA niveau 2 et je commence ma recherche d’emploi autour de septembre/octobre.

2020 – La pandémie comme catalyseur

En janvier 2020, je commence mon emploi chez une fintech et gestionnaire d’actifs dont je n’avais jamais entendu parlé: Inovestor. Mon entrée chez Inovestor aura été un moment important où je vais commencer à regarder davantage les titres individuels.

La COVID-19 éclate quelques mois après mon début. Ça ne peut pas mieux tomber, je commence à avoir davantage d’argent à investir.

  • J’ai continué à privilégier des titres de qualité, mais cette fois achetés à faible prix.
  • Je n’achète plus vraiment de FNB indiciel, mais je garde mon exposition à l’indiciel que j’avais accumulé dans les dernières années.

En 2020, il m’est arrivé d’avoir énormément confiance en un titre. Je l’aimais avant la COVID sans pour autant le détenir. Pendant la crise de la COVID, je l’aimais tout autant, surtout après que le titre ait tombé de plus de 50%. J’en ai acheté peu, vraiment trop peu. Assurément le contexte de la COVID était stressant, mais surtout, je n’avais pas beaucoup d’expérience à ce moment. Cet achat a généré plus de 30% annualisé sur 5 ans. Au final, ma petite somme a été multipliée par 4 en seulement 5 ans. Évidemment, c’est plus facile réaliser ce genre de rendement quand on est au creux de la COVID.

Toutefois, cette entreprise avait les standards que j’ai aujourd’hui et le faible prix qui venait avec. Le statu-quo de ne pas acheter suffisamment de ce titre exceptionnel m’a fait implicitement mal. Une erreur que je vais continuer de faire dans le futur à certains égards. Après tout, comment être certain qu’un titre va monter?

Après avoir vu passé le titre d’ATVI de 40$ à 92$ à 38$….je vends Activision Blizzard à 76$ en juin 2020. environ 90% de rendement après frais en 3.5 ans (20% par année). Pas trop mal pour un amateur.

Alors que j’étudie pour le CFA niveau 3, la pandémie fera en sorte de repousser mon examen…à 2 reprises (juin 2020 à décembre 2020 puis à mai 2021). Je ne pourrai pas le passer cette année.

2021 – L’humilité de reconnaître mes limites

À cette époque, je pensais qu’un excellent investisseur devait être capable de jouer sur plusieurs terrains à la fois: analyser les actions de croissance, les titres de valeur, les tendances macroéconomiques, les opportunités sectorielles… Ma conclusion fut simple : je n’étais pas encore rendu là. J’ai acheté un titre en-dehors de ma zone de confort. Basé sur ma revue des marchés du blogue, je semblais déjà réaliser mon erreur en 2021 alors que le titre était en baisse de 20%.

Alors qu’autrefois les examens CFA se faisaient au Palais des congrès de Montréal avec un crayon et du papier, entouré de plusieurs centaines voire milliers de candidats de tous les niveaux faisant l’examen simultanément, ils se déroulent désormais à l’ordinateur dans de petites salles d’une vingtaine de personnes. Cette nouvelle formule rend les conditions plus favorables pour passer l’examen du niveau 3 en contexte pandémique.

Après quatre années, soit une en plus en raison de la pandémie et dans des conditions loin d’être idéales, j’ai enfin pu rédiger mon examen et le réussir. J’obtiens ainsi le titre CFA.

2022 – Les premières règles claires

Le recentrage du portefeuille commence sérieusement. Dans les années précédentes, je me cherchais comme investisseur. Que veut réellement dire « know what you own? » Pourquoi des investisseurs comme Warren Buffett disent qu’ils ne comprennent pas certains investissement? Ils ont pourtant beaucoup d’expérience. Avec la grosse erreur de 2021, cela va m’aider à partiellement répondre à cette question.

  • La qualité ne suffit pas: une compagnie peut être exceptionnelle, mais si son prix ne l’est pas, elle ne mérite pas sa place dans mon portefeuille.
  • Rééquilibrer intelligemment : vendre 3 % d’un titre pour acheter 3 % d’un autre peut sembler insignifiant, mais répété avec discipline, cela améliore la structure du portefeuille et concentre le capital vers les meilleurs opportunités.
  • Acheter sans peur : j’ai appris à moins craindre d’acheter des titres que je détiens déjà qui sont en baisse, lorsque je jugeais la réaction du marché clairement injustifiée.

En 2021, j’aurai fait une erreur en achetant un titre en-dehors de ma zone de confort qui m’aura coûté 20%. Malgré que je l’aie reconnu, j’ai gardé le statu-quo et c’est en fait ce qui m’aura coûter le plus cher. Le titre plonge à nouveau jusqu’à un creux de -60%.

Je prends mon courage à deux mains et je cristallise ma perte à -50% pour racheter deux titres à forte conviction.

Résultats en mi-2025:

mon titre vendu n’a essentiellement pas bougé depuis mi-2022 en incluant les dividende alors que mes deux titres achetés ont doublé.

Leçon apprise: l’achat d’un mauvais titre fait mal, mais c’est le statu-quo qui vous tuera. Plus tôt on le réalise, davantage limité seront les pertes et le coût d’opportunité. Ce fût une leçon bien apprise et cela me sauvera plusieurs erreurs coûteuses dans le futur.

2023 – L’importance des histoires qui tiennent la route

Cette année-là, mes questions se sont multipliées :

  • Pourquoi investir dans ce que l’on projette plutôt que dans ce que l’on voit? On réduit considérablement l’incertitude.
  • Pourquoi garder en portefeuille des compagnies qui n’en valent pas tant la peine?

J’ai aussi réalisé que :

  • Le marché finit presque toujours par offrir une meilleure opportunité d’achat. Une compagnie peu chère peut toujours devenir moins chère.
  • Acheter plus cher que le prix initialement payé ne veut pas dire que le deal est moins bon. Si les fondamentaux s’améliorent et l’incertitude sur le futur diminue considérablement. Parfois, même si le prix double, l’information supplémentaire peut éliminer tellement de scénarios négatifs et renforcer les scénarios positifs que cela rend le titre toujours attrayant.

2024 – Patience, prudence et persévérance – La fin de l’indiciel

Cette année m’a rappelé une vérité essentielle:

  • Un prix suffisamment bas permet d’absorber presque n’importe quelle mauvaise nouvelle.

« There’s no such thing as a good idea or bad idea in the investment world. It’s a good idea at a price, it’s a bad idea at a price. »

Howard Marks

en revisitant mes revues des marchés entre 2022 et 2024, ma performance a été similaire à celle du marché. Mais à chacune de ces années, j’étais satisfait de mon processus, de mes décisions et de ma discipline. Et au final, c’est ce qui compte le plus: progresser et rester cohérent dans sa démarche.

Après 9 ans, 2024 sera la fin complète de l’investissement indiciel. Je détiens toujours des FNB, mais pour cibler certains pays/secteurs. Je juge que mon capital sera utilisé plus efficacement dans des titres bien sélectionnés plutôt que le marché dans son ensemble.

2025 – Être exigeant et pro-actif

Au fil des années, je suis devenu de plus en plus exigeant envers mes titres. Ceux que je considérais incroyables il y a 3, 4 ou 5 ans demeurent de bonnes entreprises, mais ils ne répondent plus à mes nouveaux critères, désormais plus stricts. Ce n’est pas qu’ils m’ont mal servi, mais j’ai dû les vendre, du moins, en partie, pour acquérir de meilleurs titres.

Mon taux de succès lorsque je vends un titre que j’aime pour en acheter un nouveau est extrêmement élevé: il doit frôler 90%. La raison est sans doute que le statu quo nous pousse à conserver ce que nous possédons. Ainsi, quand je finis par prendre la décision de vendre un titre que j’aime, c’est généralement parce qu’il était plus que temps d’acheter l’autre titre.

C’est un raffinement infini vers la perfection. Je commence à récolter les graines que j’ai semé au fils des années. Depuis septembre 2024, mes transactions ont été exemplaires. Elles n’étaient pas juste bonnes, elles étaient incroyables.

Ces transactions incroyables sont au final le résultat de plusieurs années d’erreurs. Même s’ils en a plusieurs à nommer, ma progression récente m’a montrer qu’il faut:

  • Des critères incroyablement restrictifs au niveau de la qualité du titre que cela soit la qualité, la croissance et la valorisation. Au final, les vrais opportunités sont peu fréquentes. Si vous investissez dans le titre B, vous ne pouvez pas investir dans le titre A.
  • Éviter le statu-quo à la vente – Quand on reconnaît qu’un titre est inférieur à d’autres, nous devons agir pour le remplacer ou du moins en vendre une partie pour acheter le plus performant. Vendre une partie est souvent une façon de combattre le statu-quo et le regret. Les ventes subséquentes seront plus faciles à faire.
  • Éviter le statu-quo à l’achat – Si l’opportunité est réellement incroyable, au point d’en devenir complètement absurde de notre point de vue, il faut sauter les deux pieds dedans. Sauter dans le vide, c’est toujours épeurant. On ne s’habitue pas.
  • Garder son sang froid malgré des chutes importante du titre. Si j’ai raison, le titre reviendra à son niveau d’avant et même plus. Si la thèse d’investissement est inchangé, un prix plus bas est un tremplin pour générer un rendement incroyable tout en limitant les risques. Mon titre qui a quadruplé en 5 ans depuis le creux de 2020 a aussi chuter depuis mon achat:
    • 1 fois de 40%
    • 3 fois de 20%
    • un nombre incalculable de fois de 10%

Conclusion

Je m’enligne pour réaliser ma meilleure année en tant qu’investisseur, et de loin. Autant en termes de rendement absolu qu’en termes de performance par rapport à mon indice de référence (VEQT). Cela n’est pas arrivé du jour au lendemain. On peut dire que cela fait 10 ans que le processus se raffine. Est-ce qu’il est parfait? Assurément que non. Toutefois, il est assurément meilleur qu’il y a 10 ans.

Il y a 10 ans, mon achat d’Activision Blizzard m’avait donné raison. La réalité est que même si je connaissais très bien la compagnie ce qui était un avantage conséquent, mon processus d’investissement était foireux. La preuve est que de 2017 à 2020, mes achats subséquents n’ont pas été incroyables, loin de là. Au final, sur cette période j’ai fait significativement mieux que le marché, en partie grâce à de la chance. Ce n’est pas là que l’on trouve une performance supérieure au marché de façon durable. Malgré tout, sur papier, on dirait que je savais parfaitement ce que je faisais.

À l’inverse, de 2021 à 2024, beaucoup de bonnes décisions ont été prises. J’ai assurément fait des erreurs coûteuses, particulièrement en 2021 et 2022. Toutefois, j’ai peut-être manqué un peu de chance dans certaines occasions alors que, durant la période précédente, j’ai pu me débarrasser de mauvais titres en limitant grandement les dégâts. J’ai réalisé une légère sous-performance sur cette période.

Au final, 2025 marquera ma 10e année en tant qu’investisseur, et elle aura été mon année à tous les points de vue. Il faut de la lucidité pour comprendre que, quand tout va mal, ce n’est pas entièrement de notre faute. Mais la leçon est probablement deux fois plus importante quand tout va bien. L’excès de confiance a tué plus d’un investisseur. Je reconnais déjà avoir été chanceux sur certains aspects. Mon objectif est simplement de prendre le plus de bonnes décisions possible. Avec les années, la chance finira par me sourire de temps à autre…comme cette année.

Le journal d’un investisseur

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