L’art de dépenser : distinguer une dépense réfléchie d’une impulsivité

J’ai longtemps eu un « scarcity mindset », c’est-à-dire la conviction que l’argent est une ressource très rare qui ne devrait être dépensée qu’en cas de réelle nécessité. Je l’ai définitivement encore, mais j’ai parcouru un certain chemin dans le sens inverse depuis 1-2 ans…le travail n’est pas terminé pour autant.

Je crois encore aujourd’hui que cette approche est valable pour se sortir du cycle « métro-boulot-dodo ». On apprend rapidement que l’humain n’aime pas perdre ses privilèges. Votre qualité de vie sera beaucoup plus impacté si vous perdez des privilèges par une mauvaise gestion financière plutôt que d’en avoir des nouveaux. C’est pour cette raison que je privilégie l’augmentation graduelle du niveau de vie plutôt de la commencer élevé dès le départ.

En début de carrière, l’épargne constitue en effet le principal moteur de la valeur nette, avant que les rendements composés ne prennent progressivement le relais. Quand on a 1000$ d’épargne, il est beaucoup plus facile de doubler son capital en ajoutant un autre 1000$ que d’attendre que le marché le fasse pour nous. À l’inverse, lorsqu’on possède 1M$, il devient beaucoup plus simple de laisser le marché travailler à notre place.

Les livres de finances personnelles insistent beaucoup sur l’art d’épargner, mais beaucoup moins sur l’art de dépenser. On y retrouve souvent la même explication un peu vague tel que : « En as-tu vraiment besoin? ». C’est normal, car la majorité de population dépense trop impulsivement.

Mais pour quelqu’un avec un scarcity mindset, la réponse est presque toujours « non ». J’ai rapidement compris que cette règle ne me convenait pas, car chacun évalue différemment ce fameux « en as-tu vraiment besoin ». Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que le café Starbucks à 8$ est « vital ».

Puisque cette approche ne correspondait pas à ma réalité, j’ai choisi de définir mes propres repères concernant les dépenses.

Le coût d’opportunité : le pillier fondamental

Chaque dollar dépensé est un dollar qui ne sera pas utilisé ailleurs. C’est ce qu’on appelle le coût d’opportunité.

  • Acheter un objet inutile, c’est renoncer à un repas de qualité au restaurant.
  • Acheter un objet inutile, c’est renoncer à quelque chose de potentiellement 3x-7x-17x plus cher dans 10-20-30 ans (10% de rendement).

Pour moi, le coût d’opportunité permet de comparer les coûts de différentes options sur un même niveau d’égalité.

  • avoir une voiture de luxe serait agréable.
  • Toutefois, je devrais renoncer chaque année à : 1 voyage en couple, 1 sortie au restaurant par semaine et une passe de ski familiale illimité.
  • ou bien renoncer à un chalet dans 10-15 ans

À coût égal, la voiture de luxe m’apporte moins de bonheur que les autres options, donc je vais privilégier les autres. On n’est pas dans la privation, plutôt dans l’optimisation.

1. Dépensez pour votre santé

S’il y a bien un segment qui ne me dérange pas de dépenser, c’est la santé. Parce qu’à la fin de la journée, si vous êtes malade, vous seriez prêt à tout donner pour simplement avoir la santé d’auparavant.

  • Alimentation de qualité
  • Activité physique
  • Journée de congé ponctuelle
  • Sommeil (lit, oreiller, matelas)
  • ergonomie (chaise)

Au final, certaines dépenses peuvent être considérées comme un investissement, tout est une question de dosage. plus on exagère, plus la dépense perd son caractère d’investissement et redevient une simple dépense de consommation. Par exemple, investir dans la santé est essentiel, mais prétendre qu’il faut absolument aller faire des sentiers à Banff pour être en forme ou avoir le vélo de triathlon à 12K$ est somme toute exagéré.

2. Dépensez pour ce que vous utilisez chaque jour/semaine

Les choses dont vous utiliser chaque jour a naturellement plus d’impact dans votre quotidien. De plus, les choses que l’on utilise au quotidien ont tendance à ne pas coûter si cher à améliorer par rapport au confort qu’ils apportent.

Mieux vaut investir dans un bon objet que vous utilisez tous les jours plutôt que dans quelque chose qui prendra la poussière.

  • Un bon setup de bureau
  • Une montre (intelligente) qui vous suit au quotidien
  • Des bons souliers
  • Une chemise/habit de meilleur qualité
  • Un meilleur téléphone

La différence entre le meilleur choix et un choix de base est parfois quelques dizaine voire centaines de dollar au maximum…et parfois ces objets de meilleur qualité durent plus longtemps, réduisant la facture réelle tout en apportant un confort supérieur au quotidien

3. Dépensez pour économiser du temps

On vend notre temps pour gagner de l’argent, mais on peut dépenser de l’argent pour sauver du temps.

Dans une économie spécialisée comme la notre, déléguer des choses peut nous sauver pas mal de temps pour un coût raisonnable.

De plus, si vous déléguez une tâche qui pour l’effectuer par vous-mêmes équivaut à un taux horaire de 15$/h (net d’impôt) alors que vous pourriez travailler à 20$/h (net d’impôt), en déléguant la tâche, vous pouvez choisir entre faire plus d’argent, avoir plus de temps pour vous ou avoir plus des deux!

Plus votre taux horaire est élevé, plus ces options deviennent intéressantes. Si vous êtes un travailleur autonome qui peut travailler à tout moment et être implicitement rémunéré pour le faire, je le considère doublement plus important.

Exemples de délégation:

  • Entretien extérieur (pelouse, entrée de cour l’hiver, paysagement)
  • Entretien du quotidien (ménage, repas, etc)
  • Prendre la voiture/Uber plutôt que le transport en commun

Plus de temps, plus d’argent et arrêter de faire des tâches ennuyantes? Oui, S.V.P.

4. Dépensez pour apprendre

L’argent investi dans l’éducation (formations, livres, cours, conférences) est rarement perdu. Il nourrit la curiosité, ouvre des portes et peut améliorer vos revenus futurs. On peut le voir comme un investissement ou comme une manière de gagner du temps en accélérant son apprentissage. Une bonne formation ou un bon mentorat peut condenser des décennies d’expérience en quelques heures, jours ou semaines, en les rendant accessibles et applicables.

Depuis fin 2024, j’effectue une formation sur la gestion de portefeuille/placements en collaboration avec Youcef Ghellache (L’argent ne dort jamais / EducFinance) et Olivier Lapointe (professeur en administration au collège La Cité) pour éduquer les individus sur leurs placements. Il s’agit d’un abonnement annuel qui donne accès à du contenu éducatif en constante évolution (vidéos à écouter à votre rythme) et une rencontre toutes les deux semaines où l’on peut répondre à vos questions, aborder en profondeur un sujet ou décortiquer des éléments de l’actualité.

5. Certains montants ne valent plus la peine de s’y attarder

Un étudiant devrait analyser chaque dépense, car chaque dépense évitée peut croître de façon exponentielle pendant une longue période. Votre rendement espéré est aussi à considérer, car plus il est élevé, plus dépenser jeune coûte cher.

  • Si Warren Buffett, à l’âge de 18 ans, aurait acheté un abonnement Spotify d’un an à 10$ par mois, son abonnement Spotify lui aurait coûté implicitement 60M$ à l’âge de 90 ans (20% par année).
  • Si Warren aurait consommé ce même abonnement Spotify, mais à l’âge de 65 ans, le coût implicite serait de 11.5K$.

La même dépense lui aurait coûté implicitement 5217x moins cher, car elle aurait été effectué plus loin dans le temps. De plus, au stade de milliardaire, un abonnement Spotify n’a pas d’impact sur sa valeur nette. Il aurait pu s’en payer un bien avant! 😉

Même dépense, coût complètement différent. Plus vous avez une valeur nette élevée et un âge avancé, plus l’utilité de l’argent diminue. Si vous avez 81 ans et 2 millions en banque, ce n’est plus le temps de limiter au maximum les dépenses.

Chacun devrait connaître son chiffre magique, ce seuil de dépense au-dessous duquel réfléchir devient inutile, car l’impact sur votre budget ou valeur nette est négligeable. Peut-être qu’au départ, il est préférable de ne pas en avoir, car chaque dollar compte. En vieillissant, je trouve que c’est ça la qualité de vie: ne plus se préoccuper de petits détails qui, en fin de compte, n’ont que peu d’importance. Vous en avez envie et c’est en dessous du seuil? Vous le prenez. Bien entendu, un peu comme la règle du « En as-tu vraiment besoin? », il faut être minimalement raisonnable.

Pour certains ce seuil est, malheureusement, les achats du quotidien à l’épicerie et pour d’autres s’ils devraient faire leur voyage en Grèce pendant 3 semaines plutôt que 2.

Conclusion

En somme, l’art de dépenser ne consiste pas à se priver coûte que coûte, mais à orienter ses ressources vers ce qui a le plus d’impact durable sur sa vie. Il s’agit de prioriser les dépenses qui génèrent un réel bénéfice, qu’il soit matériel, intellectuel ou émotionnel. Tout comme un gestionnaire d’entreprise alloue son budget là où il pourra obtenir le meilleur rendement, chacun peut réfléchir à l’usage de son argent pour maximiser sa valeur et son bien-être sur le long terme.

Dépenser de manière réfléchie ne signifie pas renoncer à se faire plaisir. Il est parfaitement sain de dépenser dans des expériences, des objets ou des services qui améliorent votre quotidien, tant que ces choix soient conscients, alignés avec vos priorités et à la hauteur de votre budget.

Le journal d’un investisseur

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